EXPOSITION

Le musée de toutes les curiosités

NEW YORK — En plein cœur de Brooklyn se cache le musée peut-être le plus surprenant de New York : le Morbid Anatomy Museum. Occultisme, médecine, rites funéraires, taxidermie : le programme de ce musée pas comme les autres est aussi halluciné qu’instructif.

C’était à prévoir : la façade du Musée de l’anatomie morbide est noir corbillard. Situé dans le quartier mi-bobo, mi-industriel de Gowanus, le musée occupe trois étages.

Au sous-sol, il y a une salle de classe, au rez-de-chaussée, un café et une délirante boutique de cadeaux (offrant aussi bien des ossements que des bestioles empaillées), tandis qu’à l’étage, on retrouve une salle d’exposition et une imposante bibliothèque comptant plus de 2000 ouvrages consacrés à l’occultisme, la mort, la médecine et une foule de sujets joyeusement glauques.

Inusitée, l’institution est le bébé de Joanna Ebenstein, une sympathique blonde d’origine californienne. Fascinée par la mort, la médecine et le bizarre en général, elle a créé un blogue intitulé Morbid Anatomy en 2007, et bâti une bibliothèque hyper spécialisée.

Les deux sont rapidement devenus si populaires qu’elle a décidé d’ouvrir le Morbid Anatomy Museum en juin 2014 avec l’aide de Tracy Martin. Et la petite institution s’est immédiatement mise à attirer les foules.

« Il arrive parfois que les places pour nos conférences se vendent en cinq minutes. » — Joanna Ebenstein

Au début juin, plus de 5000 personnes espéraient ainsi assister à une conférence sur la relation entre les drogues psychédéliques et l’expérience de la mort. En mai, elles étaient plus de 2000 à vouloir écouter une conférence sur la sous-culture goth des années 80. Le hic ? La salle de conférence du musée ne peut accueillir que 65 personnes à la fois…

Le musée donne régulièrement des cours de taxidermie – notamment pour empailler des souris à deux têtes ou préserver des tarentules – , et il avait pendant un temps plus de 600 personnes sur sa liste d’attente !

Comment expliquer un tel succès ? Joanna Ebenstein croit que plus on tente d’évacuer la mort de notre quotidien, plus elle suscite de l’intérêt. « Je pense que cette curiosité existe parce qu’on n’a plus le droit d’en parler. Le sujet de la mort est devenu tabou », dit-elle.

EXPÉRIENCE HUMAINE

Surtout, elle croit que plus la mort est tenue à distance de nos existences, plus on a besoin de se « reconnecter » avec cette part sombre de l’expérience humaine. « On ne meurt plus à la maison, mais dans les hôpitaux. Les gens ne s’occupent plus de leurs morts. Ils délèguent la tâche à des salons funéraires. Aujourd’hui, la mort est devenue quelque chose d’exotique », ajoute-t-elle.

Après avoir présenté une première exposition sur les rites funéraires des XVIIIe et XIXe siècles, puis une seconde intitulée Cabinet des collectionneurs, le musée propose une exposition sur la magie et les illusionnistes au début du XXe siècle.

Au menu : une vraie fausse momie égyptienne qui permettait soi-disant de converser (en anglais !) avec des esprits, un caisson dans lequel une assistante du célèbre magicien Howard Thurston était transpercée de 11 sabres et une foule d’artefacts d’époque.

« On prétend être des créatures rationnelles, mais il n’en est rien. Notre fascination pour l’illusion, pour la magie et la déception est vieille comme le monde », souligne Joanna Ebenstein.

L’autre révélation de cette exposition ? L’étonnant plaisir que l’on prenait à l’époque à voir des femmes se faire « découper en morceaux ». En somme : à les voir mourir avant de ressusciter.

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